7 novembre 2007
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23:44
Le combat sur un blog, c'est de le mettre à jour : non que ce soit désagréable ou que cela suscite une souffrance particulière, mais j'ai placé la barre particulièrement haut. Trop haut sûrement. En quantité notamment (pour chaque livre). Alors, afin d'une troisième fois ressuciter mon blog, j'ai décidé d'un commun accord avec moi-même d'adopter des compte-rendus plus synthétiques. Plus rapides. Parce que je lis beaucoup et que tous les livres ne méritent pas forcément une fiche très détaillée. Notamment les romans. Notamment CE roman.
Romain Gary, un auteur que je pensais apprécier, a écrit ce roman dans les années 70, alors qu'il souffrait déjà du dédoublement de sa personnalité littéraire. Emile Ajar se dirigeait vers le Goncourt et Gary vers une tragique sortie.
Il s'agit probablement du roman le plus difficile à appréhender de toute son oeuvre. L'histoire? Un ambassadeur de France à Rome rejoue la scène anticipée de son éventuelle rencontre préméditée avec la fille d'un pseudo amour de jeunesse, possible fruit de son imagination, au moins partiellement, pendant 500 pages. Vous n'avez rien pigé? C'est normal, rien de clair, rien de certain dans ce livre. La jeune fille, par exemple, est peut-être sa propre mère, peut-être une chimère inventée par un ambassadeur qui commence à sérieusement yoyoter du couvre-chef, peut-être réelle. Les personnages évoluent dans des dimensions contraires en permanence. Le lecteur ne comprend pas ce qu'il se passe, ne sait pas de quoi parle le livre et finit perdu complètement. L'ambassadeur Danthès doué du don d'ubiquité marche dans le salon d'un palais abandonné, passe aussitôt à son bureau romain avant de rêver, ou de vivre, ou d'anticiper son passé ou son avenir, on ne sait pas. L'amour de jeunesse en veut absolument à l'ambassadeur, mais n'existe peut-être pas, création chimérique du personnage central comme (c'est la théorie de l'auteur) la culture est l'alibi chimérique qui sous-tend l'Occident. Evidemment, quand un auteur tente quelque chose d'aussi ambitieux, il joue à la roulette russe. On charge le revolver de plusieurs balles et on prie pour gagner...
Ici Gary a perdu. Car ce qui aurait pu être une formidable destructuration du travail romanesque, un jeu d'écriture de grande portée, un essai sur la culture et la connaissance finit sa course comme le plus vulgaire pensum.
La thèse du livre, l'inutilité de la Culture (avec un grand C) est assénée à grands coups de parpaing, étalée sur des dizaines de pages qui se répètent et semblent articulées avec une truelle. On revit dix fois la même scène, avec d'infimes variations (quelques mots qui changent), sûrement placées là pour montrer que l'ambassadeur rêve ou fantasme et que chaque rêverie est une chimère, ni tout à fait la même, ni tout à fait autre.
Beauté de l'écriture, finesse du style, poésie des mots qui s'entrechoquent diront ceux qui aimeront. Personnellement, j'aime l'usage d'une belle langue, mais quand l'auteur est lyrique à la moindre description d'une tasse de café, ça en devient insoutenable. Et pourtant Dieu sait qu'en principe Gary a du style. Là je trouve qu'il passe vraiment à côté. Ou alors avec 300 pages de moins...
Enfin, s'il s'agit d'un audacieux exercice de style, je le trouve raté : aphorismes verbeux, descriptions pompeuses, artificialité complète des personnages, variations infinies qui ne sont que l'écho d'un vide toujours renouvelé, lenteur qui se transforme en langueur puis en longueurs (au pluriel!)...
Je sais, par recherche personnelle, que certains ont adoré ce livre et y ont vu un chef d'oeuvre. Peut-être n'ai je rien compris? En tout cas je n'ai pas aimé, et ce n'est pas faute pourtant d'apprécier la littérature capable de déconcerter...
Au final, un jeu intellectuel plutôt vain...
PS : si, quand même, magré tout une phrase du livre vaut d'être sauvée :
"Danthes savait en effet que chacun de nous a 2 existences : celle dont il est lui-même conscient et responsable, et une autre, plus obscure et mystérieuse, plus dangereuse aussi, qui nous échappe entièrement et qui nous est imposée par l'imagination souvent hostile et malveillante des autres"
Gary... songeur.
Romain Gary, un auteur que je pensais apprécier, a écrit ce roman dans les années 70, alors qu'il souffrait déjà du dédoublement de sa personnalité littéraire. Emile Ajar se dirigeait vers le Goncourt et Gary vers une tragique sortie.
Il s'agit probablement du roman le plus difficile à appréhender de toute son oeuvre. L'histoire? Un ambassadeur de France à Rome rejoue la scène anticipée de son éventuelle rencontre préméditée avec la fille d'un pseudo amour de jeunesse, possible fruit de son imagination, au moins partiellement, pendant 500 pages. Vous n'avez rien pigé? C'est normal, rien de clair, rien de certain dans ce livre. La jeune fille, par exemple, est peut-être sa propre mère, peut-être une chimère inventée par un ambassadeur qui commence à sérieusement yoyoter du couvre-chef, peut-être réelle. Les personnages évoluent dans des dimensions contraires en permanence. Le lecteur ne comprend pas ce qu'il se passe, ne sait pas de quoi parle le livre et finit perdu complètement. L'ambassadeur Danthès doué du don d'ubiquité marche dans le salon d'un palais abandonné, passe aussitôt à son bureau romain avant de rêver, ou de vivre, ou d'anticiper son passé ou son avenir, on ne sait pas. L'amour de jeunesse en veut absolument à l'ambassadeur, mais n'existe peut-être pas, création chimérique du personnage central comme (c'est la théorie de l'auteur) la culture est l'alibi chimérique qui sous-tend l'Occident. Evidemment, quand un auteur tente quelque chose d'aussi ambitieux, il joue à la roulette russe. On charge le revolver de plusieurs balles et on prie pour gagner...
Le livre...
Ici Gary a perdu. Car ce qui aurait pu être une formidable destructuration du travail romanesque, un jeu d'écriture de grande portée, un essai sur la culture et la connaissance finit sa course comme le plus vulgaire pensum.
La thèse du livre, l'inutilité de la Culture (avec un grand C) est assénée à grands coups de parpaing, étalée sur des dizaines de pages qui se répètent et semblent articulées avec une truelle. On revit dix fois la même scène, avec d'infimes variations (quelques mots qui changent), sûrement placées là pour montrer que l'ambassadeur rêve ou fantasme et que chaque rêverie est une chimère, ni tout à fait la même, ni tout à fait autre.
Beauté de l'écriture, finesse du style, poésie des mots qui s'entrechoquent diront ceux qui aimeront. Personnellement, j'aime l'usage d'une belle langue, mais quand l'auteur est lyrique à la moindre description d'une tasse de café, ça en devient insoutenable. Et pourtant Dieu sait qu'en principe Gary a du style. Là je trouve qu'il passe vraiment à côté. Ou alors avec 300 pages de moins...
Enfin, s'il s'agit d'un audacieux exercice de style, je le trouve raté : aphorismes verbeux, descriptions pompeuses, artificialité complète des personnages, variations infinies qui ne sont que l'écho d'un vide toujours renouvelé, lenteur qui se transforme en langueur puis en longueurs (au pluriel!)...
Je sais, par recherche personnelle, que certains ont adoré ce livre et y ont vu un chef d'oeuvre. Peut-être n'ai je rien compris? En tout cas je n'ai pas aimé, et ce n'est pas faute pourtant d'apprécier la littérature capable de déconcerter...
Au final, un jeu intellectuel plutôt vain...
PS : si, quand même, magré tout une phrase du livre vaut d'être sauvée :
"Danthes savait en effet que chacun de nous a 2 existences : celle dont il est lui-même conscient et responsable, et une autre, plus obscure et mystérieuse, plus dangereuse aussi, qui nous échappe entièrement et qui nous est imposée par l'imagination souvent hostile et malveillante des autres"