Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Biblio-Infinie

  • : biblio-infinie
  • : Un blog destiné à faire partager mes lectures. Plongée dans une bibliothèque infinie... Romans, essais, livres d'histoire, économie, philosophie,...
  • Contact

C'est quoi ce blog?

Biblio-infinie, un micro blog sans prétention aucune (comme le titre l'indique si bien)... et où je commenterai sans compromission ce que je lis! Fonctionne en courant alternatif selon mes disponibilités (je ne commente en fait que quelques lectures, choisies selon des critères complètement aléatoires et variables).

Littérature, histoire, essais, bref des recensions au fil des lectures... Peu de place cependant au buzz  et aux sorties à la mode. Il existe suffisamment de promoteurs dans les médias pour que je n'agglutine pas ma voix au concert des épiciers.

Place aux avis d'un citoyen aspirant "honnête homme" (c'est moi!), pur produit de notre beau système universitaire français qui fonctionne si bien, que le monde entier nous envie, qui forme tant de grands esprits et tout, et tout, et tout...

Bonne lecture!

Recherche

Archives

10 février 2008 7 10 /02 /février /2008 21:45
Comme mes visiteurs peuvent l'avoir remarqué, j'aborde rarement les rivages de la littérature immédiatement contemporaine. Les sorties y sont tellement nombreuses, et ma méconnaissance de ce qui se fait si abyssale, que je n'ose que rarement emprunter des chemins qui n'ont pas été consacrés par le temps qui passe. De peur, peut-être, d'être déçu, je me réfugie le plus souvent dans les valeurs sûres. Pour une fois, j'ai fait un écart à cette règle de conduite pas si insconsciente. Les Hauts de Moscou de Vassili Axionov, ont été publiés en français en septembre dernier, à l'occasion de la "rentrée littéraire". En général, j'abhorre ce genre de pseudo-évènements marketés, où après avoir savamment entretenus un vide total de nouvelles parutions durant de (deux?) longs mois, les éditeurs ensevelissent les tréteaux des librairies de dizaines, voire de centaines, de romans. La couverture originale de ce livre, a néanmoins su retenir mon attention. Une rapide lecture de la quatrième de couverture, puis celle des premières lignes m'ont convaincu : ce roman était susceptible de m'intéresser. Situé dans les derniers mois du pouvoir stalinien à Moscou, il promettait une vision picaresque de la vie de quelques nomenklaturistes, résidents de ces Hauts de Moscou, immense résidence réservée aux dignitaires du régime.


htsmos.jpg

Premier constat, si ce roman prend comme cadre une période historique (1952-53), il ne constitue pas, à proprement parler, un "roman historique". En effet, malgré l'apparition dans le récit des dirigeants soviétiques (Béria, Malenkov, Boulganine, et surtout Staline lui-même) et yougoslaves, les faits relatés ici sont de véracité incertaine.
Axionov mélange si bien le vrai du faux que je me suis surpris à aller chercher sur internet quels personnages de ce roman avaient existé. Ce jeu littéraire mêlant le plausible, l'irréel et le réel est ici très bien mené, l'irruption du narrateur, Axionov, avec d'autres noms, venant ajouter encore un peu de flou à l'ensemble en plein roman. La fin d'ailleurs laisse songeur sur ce qui était vrai, ce qui était mémorable, ce qui a été oublié et ce qui ne pourra l'être. Et c'est ce qui rend le roman déconcertant d'un prime abord pour celui qui connaît un peu la période. Une fois ce petit effet de surprise passé, le lecteur se retrouve plongé dans les affres de la vie de quelques privilégiés du régime. Avant d'aller plus loin, il s'agit de rappeler qu'Axionov est le fils de la romancière Evguénia Guinzburg, déportée au goulag en 1937. Sa vision, lui qui fut contraint de s'exiler hors d'URSS, déchu de sa citoyenneté soviétique, pourrait revêtir une gravité à la mesure des souffrances qui lui furent infligées, directement ou indirectement, par Staline et ses sbires. Mais Axionov n'est pas homme à dépeindre tragiquement cette période. Au contraire, il se livre ici à une reconstruction humoristique de ce temps. Elle n'empêche pas quelques réflexions acides quant au "Coryphée des Peuples" et aux temps de l'immédiat après-guerre. Mais celles-ci sont noyées dans un propos qui se veut léger, drôle et vivant. Bref tout l'inverse de la logorhée sinistre et mécanique dont se repaissaient les hiérarques de ce temps. Le lecteur suit donc l'épopée tragicomique d'un poète stalinien, Kirill Smeltchakov, de ses voisins, les Novotkanny (mari physicien nucléaire, femme égérie de Staline après l'avoir été - en mission spéciale - de Hitler), d'un contre-amiral ancien héros des années 30, d'une dresseuse de tigres et d'une bande de zazous amateurs de jazz et fils de la bonne société. L'aventure prend d'abord des tours nettement sentimentaux : la fille des Novotkanny, komsomole convaincue, se fiance avec le poète, mais se refuse en bonne vierge du communisme, de consommer physiquement son amour. L'irruption du contre-amiral Mokinakki, personnage viril et truculent, quoique énigmatique, viendra rapidement à bout des principes moraux de la jeune fille. S'engage alors un ménage à trois qui aurait bien peu d'intérêt si derrière ces personnages le Camarade Staline et le Président Tito ne profilaient leurs démentielles ambitions.

Le roman s'aventure alors dans de drôlatiques rebondissements autour d'un très peu hypothétique complot titiste. Le poète Smeltchakov, ami de beuverie - par téléphone interposé - de Staline, y affrontera son rival de coeur, par grandioses opérations secrètes interposées. Le tyran appararaît d'ailleurs bien comme ses biographes l'ont déteint, et chacun de ses phrases laisse une inquiétante impression de paranoïa incontrôlable. Le coup de téléphone qui mettera en relation Smeltchakov et Staline est d'ailleurs une des scènes les plus réussies du livre. Je m'en voudrais de révéler plus l'histoire du roman, ce qui déflorerait par trop son essence même - à savoir son scénario imprévisible. Y apparaît d'ailleurs, vers le mitan du livre, Untel Untelovich Untelovski, qui se révèle vite être Axionov lui-même, ou son émanation romanesque. Au-delà des péripéties scénaristiques particulièrement loufoques, j'ai trouvé un certain talent à Axionov : la capacité à envelopper son livre d'une multitudes de références qui répondent à la fois au reste de son oeuvre, à l'histoire de la littérature russe, à celle de l'Union Soviétique ou encore à la langue de bois stalinienne. Ici, en plein coeur d'un chapitre, passent rapidement dans le décor deux personnages d'Une saga moscovite, sans interagir avec les personnages de ce roman, mais renvoyant le lecteur aux autres ouvrages d'Axionov. Là, Béria, le chef de la puissante et terrifiante police politique, entouré de ses sbires, n'est plus qu'un personnage de légende et de pacotille à la fois, un mythe de papier ridicule et impuissant. Là encore, le lecteur de Dostoievski, Pouchkine ou Gogol verra des références aux grands classiques de la littérature russe. L'une des scènes finales fait clairement référence au Premier Cercle de Soljénitsyne par exemple et à ses scientifiques enfermés dans des prisons "de luxe" pour effectuer leurs recherches. Enfin, une relecture absurde de l'histoire verra la mort du tyran géorgien reprise sur le thème de ses propres obsessions finales, victime d'un complot auquel il était le seul à croire. Les hauts de Moscou sont un jeu littéraire et historique particulièrement riche. Je crains d'ailleurs de ne pas avoir saisi toutes les références du roman, et ce malgré les méritoires efforts de la traductrice d'accompagner les passages obscurs d'éclairantes observations. Je saluerai également son travail sur les jeux de mots : certains d'entre eux ont été à l'évidence retranscrits dans le texte français sans trop leur faire perdre de leur pertinence. Enfin, Axionov a réussi à développer différents registres de langue sans les rendre pesants ou artificiels : la jeune Glika se meut toujours légèrement, à peine, à peine, Untelovski parle un langage franc de fils de déporté, Smeltchakov se perd dans des images poétiques et dans le double-langage stalinien. L'épopée en vers du poète, qui traite de Thésée et du Minotaure, ses propos sur la cité néo-platonicienne sont d'ailleurs de claires et inconscientes remises en cause du stalinisme, sous un vernis dialectique de bolchevisme exalté qui eut pu faire passer Jdanov pour un révisionniste...

Néanmoins, malgré d'évidentes qualités de forme et de fond, je ne suis pas entré complètement dans ce roman. Peut-être n'était-ce pas le bon moment pour le lire. Peut-être pas les bonnes circonstances. Un je-ne-sais-quoi d'artificialité vaine se dégage de la lecture. J'admire la capacité d'Axionov, au vu de son passé, d'aborder avec tant de légèreté une époque qui ne le fut à aucun moment. Je reconnais que le jeu est bien mené, d'une plume alerte, riche et légère. Que les pesanteurs staliniennes y sont ridiculisées, que les monstres terrifiants de ce temps ne sont plus aujourd'hui que des tigres de papier  - expression maoïste que semble porter la dresseuse de fauves dans la dernière scène -, que les obsessions et les folies d'un temps déraisonnables peuvent paraître préférables à notre temps d'incertitude. Et pourtant, un étrange arrière-goût d'irréalité me laisserait plutôt l'impression de la vacuité. A quoi finalement sert ce roman? Peut-être ne suis-je tout simplement pas à même de partager l'approche d'un homme exilé de 75 ans, dont la mère fut déportée au goulag, et qui est encore capable, après toutes ces vicissitudes, de jeter un regard amusé et acide, loufoque et nostalgique sur une telle période. Il serait dommage néanmoins de ne pas vous forger votre propre avis sur ce roman. L'entreprise est méritoire, le résultat est plutôt convaincant, et peut-être comprendrez-vous, ce que je n'ai pas su faire, la dernière scène et cette énigmatique "Nouvelle Phase". Parce que je l'ai aimé avec réserves, je serais presque enclin à vous conseiller ce roman plus chaudement encore - puissiez-vous éclairer ma modeste lanterne après l'avoir dévoré...


Partager cet article
Repost0
19 avril 2006 3 19 /04 /avril /2006 18:29
Seconde recension, fort différente de la première, puisqu'est ici mis à l'honneur un roman finlandais de 1983 d'un genre bien différent de celui de Thérèse Desqueyroux. Ouvrage assez court (260 pages), la forêt des renards pendus relate les aventures d'un braqueur de banque dandy, d'un major alcoolique de l'armée finlandaise et d'une vieille femme lapone qui se retrouvent, par le plus grand des hasards, ensemble durant les deux tiers du livre. Le titre annonce par bien des aspects le burlesque et l'humour qui traversent ce roman. A lire comme un David Lodge, pour se détendre car le propos y est sans prétention. J'ai d'ailleurs passé un fort bon moment. Moins astucieux, littérairement parlant que Lodge, mais tout aussi réjouissant.




Aarto Pasilinna

L'histoire

Rafael Juntunen, malfrat de seconde zone, et deux complices, un crétin fini (Sutunen) et un psychopathe fortement antipathique (Hemmo Siira), ont dérobé des lingots d'or à la banque nationale de Norvège. Comme prévu dans un plan déjà fort drôle, les deux compères se laissent arrêter pour permettre à Juntunen de s'enfuir avec une partie du butin, à charge pour lui d'attendre que les deux gangsters sortent de prison pour partager le magot. Evidemment, au bout de quelques années, Juntunen s'étant déjà servi dans sa propre part, il commence à se dire qu'il serait dommage d'attendre la sortie de prison de Siira et Sutinen ou même de partager avec eux. Il s'arrange donc pour renvoyer le simplet Sutinen en prison dès qu'il en sort, en lui montant un coup fourré particulièrement savoureux. Mais concernant Siira, qui n'hésitera probablement pas à le tuer, la partie s'annonce plus tendue. Comment éviter le partage? En fuyant...

Il va ainsi se réfugier en Finlande, au niveau du cercle polaire pour y cacher son magot. C'est là, après quelques aventures, qu'il rencontre le major Gabriel Amadeus Remes, alcoolique notoire, qui s'occupe de manoeuvres militaires dans la zone. Sans dévoiler plus avant l'histoire, Juntunen parvient à déjouer les soupçons de Remes en lui faisant croire qu'il a trouvé de l'or dans la région. Ils s'entendent à merveille, améliorent la cabane sinistre dans laquelle Juntunen s'était caché, jusqu'à en faire un vrai petit palace puis rencontrent une vieille lapone nonagénaire, Naska qui a fui les services sociaux de Finlande, qui voulaient l'interner de force dans un asile pour vieillards. Ils vont mener une vie de château dans cette cabane isolée jusqu'à ce que le psychopathe Siira retrouve leurs traces.

Particulièrement drôle et amoral, le récit de leurs aventures m'a fait passer un excellent moment. Ce n'est certes pas une oeuvre dont on peut tirer de grands enseignements littéraires, politiques et individuels, mais elle permet de sourire et de s'amuser pendant une ou deux soirées. Chaque chapitre réserve ses traits d'humour grinçant jusqu'à l'apothéose finale et ces pièges à renard, installés tout autour de la cabane, qui trouvent une toute autre destination que celle prévue par Juntunen et Remes.

Chercher la cabane du père Noël peut être dangereux pour des touristes allemands...
Partager cet article
Repost0