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Biblio-Infinie

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  • : Un blog destiné à faire partager mes lectures. Plongée dans une bibliothèque infinie... Romans, essais, livres d'histoire, économie, philosophie,...
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C'est quoi ce blog?

Biblio-infinie, un micro blog sans prétention aucune (comme le titre l'indique si bien)... et où je commenterai sans compromission ce que je lis! Fonctionne en courant alternatif selon mes disponibilités (je ne commente en fait que quelques lectures, choisies selon des critères complètement aléatoires et variables).

Littérature, histoire, essais, bref des recensions au fil des lectures... Peu de place cependant au buzz  et aux sorties à la mode. Il existe suffisamment de promoteurs dans les médias pour que je n'agglutine pas ma voix au concert des épiciers.

Place aux avis d'un citoyen aspirant "honnête homme" (c'est moi!), pur produit de notre beau système universitaire français qui fonctionne si bien, que le monde entier nous envie, qui forme tant de grands esprits et tout, et tout, et tout...

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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 22:00
Parfois, j'achète des livres, je les commence, et je les abandonne sans les finir. Quelques temps plus tard, alors que le souvenir des pages lues s'estompe dans ma mémoire, j'y reviens. Sans trop me rappeler pour quelles raisons j'en ai interrompu la lecture. Parfois, cela aboutit à de vraies surprises : pourquoi donc n'ai-je pas fini? D'autres fois...hum... et bien je réponds sans vrais problèmes à cette question. C'est le cas du livre du jour. Arrêté autour de la centième page et jamais repris, en 2005, j'ai décidé, près de trois ans plus tard, de le lire enfin intégralement. Nous voici plongés dans une histoire d'espionnage, de contre-espionnage, de manipulation diplomatico-militaire en pleine seconde guerre mondiale. L'enjeu : la destinée de l'Europe. Les moyens : secrets, dissimulés pendant soixante ans par le Royaume-Uni. Les protagonistes : les dirigeants britanniques et nazis. L'affaire : le départ  vers l'Angleterre, inexpliqué, solitaire, du bras droit de Hitler, Rudolf Hess, en plein conflit. Ces quelques éléments paraissent prometteurs. Paraissent seulement.

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Martin Allen a entrepris ici une enquête longue de deux ans dans les archives anglaises et allemandes afin de trouver une réponse à la question jamais élucidée : pourquoi Rudolf Hess est-il parti en Ecosse en mai 1941? Pendant les quarante-six ans que dureront sa détention, jusqu'à son suicide à la prison de Spandau en 1987, Hess se taira. Aucun officiel britannique ne dérogera à la version officielle et commune : Hess, devenu fou, est parti de son plein gré négocier la paix seul avec Londres. Sauf que la vérité est beaucoup plus compliquée que cela. Et malgré ses efforts méritoires pour déméler l'écheveau de ces tractations secrètes, Allen ne parvient pas totalement à les éclaircir. La faute à un style oscillant entre le récit historique et le romanesque mal maîtrisé. Il ne cède certes pas à la tentation de raconter d'éventuels dialogues imaginaires. Il n'ajoute rien à ses sources. Mais il va d'un interlocuteur à l'autre, va en avant, revient en arrière, complexifiant inutilement son propos. En outre, pour des raisons d'accès aux sources, certains éléments restent dans l'ombre (jusque 2017). Et le lecteur moyennement concerné par la suite concrète d'évènements qui poussèrent Hess à se jeter dans la gueule du loup s'ennuira vite. Ce fut mon cas. Cependant, je vais essayer de résumer ce que j'ai compris de cette opération.

Rudolf Hess, présent en filigrane dans ce livre, est un des premiers compagnons de Hitler. Fils d'un marchand ruiné par la guerre, aviateur en 14-18, il rejoint rapidement le parti nazi. Devenu un des proches du futur Führer, il fait partie du putsch raté de 1923 qui envoie à la forteresse de Spandau le leader nazi. Il l'y accompagne et contribue à la rédaction de Mein Kampf. Il ne joue d'ailleurs pas seulement un rôle de secrétaire, mais contribue activement à l'élaboration des éléments géopolitiques de la doctrine national-socialiste. En effet, Hess est un élève du professeur Haushofer, père de la géopolitique allemande, théoricien du Lebensraum et de l'avènement des grands empires continentaux. Hitler en reprend les grandes lignes pour rédiger les passages qui concernent la politique extérieure du futur Reich. Quelques années plus tard, Hitler devient Chancelier. Histoire connue. La marche à la guerre, l'annexion de l'Autriche, des Sudètes, de la Pologne, du Danemark, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Belgique, la victoire contre la France. Fin 1940, l'Allemagne domine le continent. Le Royaume-Uni, seul en guerre, dirigé par l'inflexible Churchill, continue seul le combat. Les nazis essaient, par des biais détournés, d'ouvrir des négociations concernant une éventuelle paix. L'Angleterre refuse. Cependant, la stratégie anglaise ne peut, à elle seule, renverser la puissance germanique. Il lui faut attendre l'entrée éventuelle dans le conflit des USA ou, pourquoi pas, de l'URSS. Les villes anglaises sont bombardées, le contrôle de la Méditerranée et celui du Moyen-Orient tiennent à quelques fils fragiles, la victoire paraît lointaine. Les allemands misent sur le découragement de leur dernier ennemi. Au coeur des services de renseignement britannique naît alors un projet particulièrement audacieux : faire croire aux allemands qu'une faction pacifiste va bientôt renverser Churchill et les durs du gouvernement à la Chambre.

Pour quelles raisons naît cette stratégie secrète? Depuis juillet 1940, les allemands n'ont cessé de faire comprendre à leurs interlocuteurs neutres (les diplomates en poste en Suède, la Croix-Rouge) qu'ils sont prêts à de nombreuses concessions à l'ouest pour avoir les mains libres à l'est - et ainsi attaquer l'URSS. Les anglais ont tout intérêt à faire croire aux allemands qu'ils désirent la paix. Cela permettrait de détourner l'Espagne d'une éventuelle entrée en guerre aux côtés de l'Axe - qui provoquerait immanquablement la perte de Gibraltar - ; cela permettrait aussi d'empêcher l'Allemagne d'envahir le Moyen-Orient et de tarir ainsi les approvisionnements pétroliers britanniques. La population anglaise, galvanisée par la résistance churchilienne, mais durement éprouvée par les attaques allemandes, ne saura rien de cette opération d'intoxication. L'objectif des anglais est donc de pousser les nazis à croire qu'une faction pacifiste, au demeurant inexistante, s'apprête à remplacer le gouvernement au pouvoir. Et qu'une partie de la famille royale est impliquée. Les services de renseignements de Sa Majesté utilisent le frère cadet du roi, le duc de Hamilton, l'ambassadeur d'Angleterre en Espagne, Samuel Hoare, vieux rival de Churchill, ainsi que Lord Halifax pour faire accroire leur version. Suivent des manipulations embrouillées des deux côtés. Au printemps 1941, la situation ne s'est pas éclaircie. L'Irak, victime de l'agitation nationaliste arabe, semble pouvoir, durant quelques jours, passer du côté de l'Axe ; la Yougoslavie et la Grèce sont tombées aux mains des nazis ; l'ancien Prime minister Lloyd George conteste les choix stratégiques et diplomatiques de Churchill à la Chambre ; la Luftwaffe a intensifé ses bombardements des villes anglaises. Apparemment fragilisée, l'Angleterre paraît mûre pour cette paix à laquelle Haushofer, Hess et Hitler aspirent tant. Par des canaux diplomatiques, les services secrets anglais font croire que la faction Halifax-Hoare-Hamilton s'apprête à s'emparer du pouvoir. Une réunion secrète est organisée entre un émissaire allemand et les pseudo-pacifistes britanniques.

A la mi-mai 1941, les anglais attendent le représentant allemand, sûrement un des proches de Hess, en Ecosse. Ils n'ont aucune idée de l'identité véritable de celui qui va venir évaluer les possibilités de paix. Car pendant ce temps, Hess, probablement en accord avec le Führer, a décidé de mener lui-même les négociations. Son poids politique, son importance devront enlever, dans son esprit, leurs dernières craintes aux pacifistes anglais et les pousser à agir, à renverser Churchill et à signer la paix. Car l'opération Barbarossa contre l'URSS, programmée depuis décembre, reportée suite à l'invasion de la Yougoslavie, ne peut plus être annulée. Staline sera prêt en 1942. Pour l'emporter, il faut attaquer en 1941... Hess quitte l'Allemagne seul, à bord d'un avion... A son arrivée, les anglais sont estomaqués. Ce n'est absolument pas l'homme qu'ils attendaient. Les voilà avec un poids encombrant sur les bras. Et la nouvelle se répand rapidement dans les journaux de Londres. La pseudo-faction de paix se dissout d'elle-même : l'intoxication des nazis a porté trop loin. Hess est fait prisonnier, interrogé. Hitler, sans nouvelles de lui, le déclare fou, arrête ses proches collaborateurs, comme Hess lui avait proposé de le faire en cas de piège anglais. Cependant, les conséquences du voyage de Hess sont moins graves pour les britanniques que prévu : les allemands s'attaqueront à l'URSS le 22 juin 1941, creusant leur propre tombe dans les steppes orientales.

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Après guerre, Hess sera jugé par le procès de Nuremberg et condamné à la prison à perpétuité. Il ne parlera jamais des raisons tangibles qui l'ont poussé à partir seul en Angleterre. Les autres témoins nazis de l'affaire ne pourront pas parler : Hitler et le professeur Haushofer suicidés ;  le fils Haushofer - qui fut la clé d'entrée des anglais auprès du sommet de l'Etat nazi - exécuté par la SS en avril 1945 pour sa participation au complot contre le Führer en août 44. Allen semble d'ailleurs accuser ses compatriotes d'avoir maquillé le meurtre du professeur Haushofer en suicide (les historiens sont en net désaccord entre eux à ce sujet). Du côté britannique, on taira cette entreprise à moitié ratée d'intoxication : les soviétiques, soupçonneux, auraient tiré un trop grand avantage politique de la révélation de ces fourberies bien peu en accord avec la geste churchillienne de la résistance absolue. L'histoire ne sera donc révélée que bien après le suicide de Hess (1987). Par Martin Allen.

L'historien anglais n'est pas un écrivain. Dommage qu'il s'abandonne à des descriptions littéraires. Elles sonnent particulièrement faux et nuisent à la lecture. Ce serait pêché véniel si des erreurs historiques graves ne s'étaient greffées au récit : Allen parle d'application de la politique extérieure nazie en 1930 (trois avant l'accession de Hitler au pouvoir), semble placer Bakou en Bessarabie, parle du Drang nach osten contre l'Ottoman... Je soupçonne le traducteur d'avoir mal fait son travail, tellement ces trois passages sont alambiqués. Cela dit, le lecteur peut s'interroger sur le niveau d'un livre qui allie pseudo-romanesque de bas-étage, erreurs factuelles et obscurité du propos. Allen passe trop vite à mon sens sur les raisons essentielles qui expliquent le départ de Hess pour l'Angleterre, à la plus grande surprise des instigateurs du plan eux-mêmes : la lutte des chefs, cette concurrence effrénée entre hiérarques, la faiblesse psychologique de Hess (qui n'est pas qu'une simulation à destination de ses geôliers de Spandau - cf. les mémoires de Speer), l'aveuglement des nazis sur les conséquences à l'étranger de leur politique, leur profonde incompréhension des enjeux stratégiques à terme, etc... Je m'interroge d'ailleurs au final sur le sérieux réel de ce livre : les archives ne pouvant être explorées avant quelques années, je me demande si nous n'aurons pas un remake du livre, avec des éléments supplémentaires. Allen a ici essayé de prouver que l'Angleterre avait réussi à manipuler le IIIe Reich pendant la guerre. Il juge, dans un final assez ridicule, "qu'il est des secrets qu'il vaut mieux ne pas ravir au passé". Je ne vois sincèrement pas ce que le fait que le Royaume-Uni ait su se jouer des nazis pendant la guerre, pour sauver son empire - et sa peau -, peut avoir de terrible aujourd'hui. Le secret pouvait être justifié durant le conflit et dans l'immédiat après-guerre. Mais maintenant que tous les protagonistes sont morts, il était justement temps d'éclaircir ce passage trouble de l'histoire de la seconde guerre mondiale. Et ce livre tente de le faire : l'enquête est réalisée, la monographie à peu près convaincante, l'objectif à moitié atteint. Au final... décevant.


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commentaires

V
Je crois bien. Je dirais même que ça clapote fortement en ce sens. Si ça vous tente...
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I
Hum... écrire à deux mains, c'est ce que nous faisons presque tous avec un clavier, à moins d'être privé de l'usage d'un bras, ou débutant en informatique ;)Y aurait-il une vague idée de "collaboration" qui émanerait de votre pas si innocente question?
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V
Ah ! C'est donc qu'il vous arrive d'en lire une de temps à autre. Entre ce qui occupe votre vie en ce moment. Heureux de l'apprendre. Je me demandais, pardonnez moi d'être ainsi saugrenue, si vous avez déjà entendu parler d'écriture à deux mains (ou quatre :s) ?
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I
Allons, allons, pas de découragement inutile; cher ami : vos berlinades valent bien mes inconséquentes lecturines.
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V
Ah, le verbe, le verbe. On peut pas dire que vous ne l'ayez pas frais et délicieux mon cher. Quand je vous lit je me demande bien pourquoi j'essaye encore de produire un quelconque écrit... ;)
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