4 décembre 2007
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En ce début décembre, les longues soirées permettent à la fois la lecture et surtout l'écriture de ces chroniques sans prétention. Première recension du mois de décembre, déjà... J'avais acheté ce livre il y a quelques années, et il traînait depuis d'étagère en carton, attendant que mon regard daigne se porter sur lui. Redécouvert lors de réagencements récents de mes bibliothèques surchargées, il m'a occupé ce week-end. Intéressant de voir à quel point notre culture historique moyenne méconnaît des pans entiers de l'histoire mondiale. Faiblement intéressé en principe par l'histoire des pays sud-américains, j'ai beaucoup appris ici sur la Bolivie, mais aussi sur son continent.
Car si l'on voulait compiler les maux de l'Amérique latine en un seul volume, c'est bien l'histoire de la Bolivie qu'il faudrait relater. Dans ce pays plus grand que la France mais peuplé d'à peine 9 millions d'individus, se trouvent toutes les caractéristiques les plus saillantes du mal sud-américain. En vrac : l'échec des civilisations indiennes à résister à l'impérialisme espagnol, le pillage permanent des richesses minières, l'oscillation permanente entre une démocratie corrompue et des régimes militaires violents, le sous-développement chronique, la drogue, la défaite permanente face à l'étranger, etc...

Christian Rudel, grand reporter, et amoureux de ce pays, dépeint en 250 pages le mal latino-américain par son exemple le plus saillant. L'histoire bolivienne est une litanie de drames, de catastrophes, de massacres, de guerres perdues et de dictatures sanglantes. Avant l'arrivée des espagnols, l'empire local dit de "Tihuanaco" s'était effondré de lui-même, après avoir brillamment rayonné sur toute une partie des Andes, plus étendu que ses successeurs incasiques. Ceux-ci vaincus par les Conquistadores, le champ était libre pour l'assouvissement de la soif ibérique de richesses. Les mines d'argent du Potosi firent un temps la gloire de ces régions : la ville de mineurs qui se développa près des filons d'argent les plus accessibles du monde connu devint rapidement une des villes les plus peuplées au monde, avant de décliner plus rapidement encore suite à l'épuisement des principales veines du précieux minerai. Le sous-sol recelait cependant bien d'autres ressources : pétrole, gaz, bismuth, mercure ou étain constituaient de belles bases pour un éventuel développement. Sauf que cela ne se produisit jamais.
L'indépendance acquise par les Bolivar, Sucre et San Martin, le Haut-Pérou devint alors la Bolivie (en hommage au premier cité), sa capitale se rebaptisa Sucre et San Martin parvint quelques années à en faire la puissance majeure du centre du continent, annexant même quelques années durant le Pérou tout entier. Mais bien vite sa faiblesse démographique et économique en firent une proie de choix pour ses voisins : lâchant ici 200 000 km² au Brésil suite à une vente qui enrichit le dictateur au pouvoir, lâchant là 120 000 km², son accès maritime et quelques mines au Chili suite à une guerre désastreuse, se perdant dans des conflits inutiles face au Pérou ou au Paraguay,... La Bolivie perdit de nombreux atouts économiques et se retrouva dans la difficile position qui est la sienne : enclavée. A sa décharge, la Bolivie héritait d'un territoire mal défini par l'ancienne puissance coloniale, confrontée à de dynamiques voisins (La Plata, Santiago, Rio) qui n'hésitèrent pas à corriger brutalement les frontières boliviennes. La population peu importante grévait les capacités de résistance de la nation face à des adversaires qui disposaient tous d'un flux continu d'immigrants. Alors que le Chili, l'Argentine, et dans une moindre mesure le Brésil, sont des nations semi ou quasi européennes, la Bolivie garda une forte identité indienne et métisse. En conséquence, sa puissance relative s'affaiblit de plus en plus au cours du temps. Et son sous-sol constituait un appât de choix pour les agressives dictatures militaires voisines. Pour ne rien arranger, elle connut une série de dirigeants catastrophiques, au carrefour de son histoire, qui la menèrent dans l'ornière. On les appellerait plus tard "Caudillos barbares". Je passe sur celui qui éleva son cheval à de hautes fonctions, et qui fit fusiller sa chemise avant de vendre une partie du territoire national, tant il paraît caricatural. Le lecteur peut presque se croire plongé dans les affres du San Theodoros cher à Hergé. En résumé, le XIXe siècle, et c'est relativement méconnu, fut un temps de redistribution territoriale en Amérique du Sud : la Bolivie en fut l'une des principales victimes avec son voisin, le Paraguay. Coïncidence ou pas, ces deux états étaient les plus indiens, les moins européanisés et les seuls enclavés...
Un paysage bolivien
Cependant, les richesses de son sous-sol élevèrent des "barons de l'étain" parmi les hommes les plus riches du monde. Mais ça ne fit rien pour améliorer la terrifiante condition de vie des indiens, mineurs de fond et esclaves des grands propriétaires. Un rapport de 1941 constitue un terrible rappel de ce que vivaient alors les infortunés mineurs : boyaux humides, irrespirables, chauds (60°), montagnes froides, hautes (4 à 6 000 mètres), taudis pour seules habitations, espérance de vie réduite...
Lorsqu'au XXe siècle, le pays chercha à reconquérir son indépendance économique, cela tourna malheureusement à la farce sanguinolente des dictateurs Barrientos, Banzer et Garcia Arce. Ce dernier se signala en ajoutant aux maux de la Bolivie le narco-traffic et la production de cocaïne.
Ce tableau particulièrement sinistre, ce pays parmi les plus pauvres du monde, ne sont guère réhaussées par la somme des atrocités subies par les peuplades indiennes, qui là comme ailleurs, eurent à subir les maux d'un continent. On comprend mieux, à la lumière de ce petit livre particulièrement sombre, à quel point l'histoire pèse sur ce pays - Evo Morales en est le dernier avatar - et plus généralement sur l'Amérique latine. La voie du progrès sera malaisée à trouver...
Un ouvrage sans prétentions, mais éclairant. Une première introduction à l'Amérique du sud bien utile...Divisé en deux parties, il rappelle de manière synthétique les principales caractéristiques du pays. Je regrette juste la faiblesse de la cartographie, clairement insuffisante et l'inclusion d'un chapitre touristique en fin de volume. Une lecture valable cependant.
Car si l'on voulait compiler les maux de l'Amérique latine en un seul volume, c'est bien l'histoire de la Bolivie qu'il faudrait relater. Dans ce pays plus grand que la France mais peuplé d'à peine 9 millions d'individus, se trouvent toutes les caractéristiques les plus saillantes du mal sud-américain. En vrac : l'échec des civilisations indiennes à résister à l'impérialisme espagnol, le pillage permanent des richesses minières, l'oscillation permanente entre une démocratie corrompue et des régimes militaires violents, le sous-développement chronique, la drogue, la défaite permanente face à l'étranger, etc...

Christian Rudel, grand reporter, et amoureux de ce pays, dépeint en 250 pages le mal latino-américain par son exemple le plus saillant. L'histoire bolivienne est une litanie de drames, de catastrophes, de massacres, de guerres perdues et de dictatures sanglantes. Avant l'arrivée des espagnols, l'empire local dit de "Tihuanaco" s'était effondré de lui-même, après avoir brillamment rayonné sur toute une partie des Andes, plus étendu que ses successeurs incasiques. Ceux-ci vaincus par les Conquistadores, le champ était libre pour l'assouvissement de la soif ibérique de richesses. Les mines d'argent du Potosi firent un temps la gloire de ces régions : la ville de mineurs qui se développa près des filons d'argent les plus accessibles du monde connu devint rapidement une des villes les plus peuplées au monde, avant de décliner plus rapidement encore suite à l'épuisement des principales veines du précieux minerai. Le sous-sol recelait cependant bien d'autres ressources : pétrole, gaz, bismuth, mercure ou étain constituaient de belles bases pour un éventuel développement. Sauf que cela ne se produisit jamais.
L'indépendance acquise par les Bolivar, Sucre et San Martin, le Haut-Pérou devint alors la Bolivie (en hommage au premier cité), sa capitale se rebaptisa Sucre et San Martin parvint quelques années à en faire la puissance majeure du centre du continent, annexant même quelques années durant le Pérou tout entier. Mais bien vite sa faiblesse démographique et économique en firent une proie de choix pour ses voisins : lâchant ici 200 000 km² au Brésil suite à une vente qui enrichit le dictateur au pouvoir, lâchant là 120 000 km², son accès maritime et quelques mines au Chili suite à une guerre désastreuse, se perdant dans des conflits inutiles face au Pérou ou au Paraguay,... La Bolivie perdit de nombreux atouts économiques et se retrouva dans la difficile position qui est la sienne : enclavée. A sa décharge, la Bolivie héritait d'un territoire mal défini par l'ancienne puissance coloniale, confrontée à de dynamiques voisins (La Plata, Santiago, Rio) qui n'hésitèrent pas à corriger brutalement les frontières boliviennes. La population peu importante grévait les capacités de résistance de la nation face à des adversaires qui disposaient tous d'un flux continu d'immigrants. Alors que le Chili, l'Argentine, et dans une moindre mesure le Brésil, sont des nations semi ou quasi européennes, la Bolivie garda une forte identité indienne et métisse. En conséquence, sa puissance relative s'affaiblit de plus en plus au cours du temps. Et son sous-sol constituait un appât de choix pour les agressives dictatures militaires voisines. Pour ne rien arranger, elle connut une série de dirigeants catastrophiques, au carrefour de son histoire, qui la menèrent dans l'ornière. On les appellerait plus tard "Caudillos barbares". Je passe sur celui qui éleva son cheval à de hautes fonctions, et qui fit fusiller sa chemise avant de vendre une partie du territoire national, tant il paraît caricatural. Le lecteur peut presque se croire plongé dans les affres du San Theodoros cher à Hergé. En résumé, le XIXe siècle, et c'est relativement méconnu, fut un temps de redistribution territoriale en Amérique du Sud : la Bolivie en fut l'une des principales victimes avec son voisin, le Paraguay. Coïncidence ou pas, ces deux états étaient les plus indiens, les moins européanisés et les seuls enclavés...

Cependant, les richesses de son sous-sol élevèrent des "barons de l'étain" parmi les hommes les plus riches du monde. Mais ça ne fit rien pour améliorer la terrifiante condition de vie des indiens, mineurs de fond et esclaves des grands propriétaires. Un rapport de 1941 constitue un terrible rappel de ce que vivaient alors les infortunés mineurs : boyaux humides, irrespirables, chauds (60°), montagnes froides, hautes (4 à 6 000 mètres), taudis pour seules habitations, espérance de vie réduite...
Lorsqu'au XXe siècle, le pays chercha à reconquérir son indépendance économique, cela tourna malheureusement à la farce sanguinolente des dictateurs Barrientos, Banzer et Garcia Arce. Ce dernier se signala en ajoutant aux maux de la Bolivie le narco-traffic et la production de cocaïne.
Ce tableau particulièrement sinistre, ce pays parmi les plus pauvres du monde, ne sont guère réhaussées par la somme des atrocités subies par les peuplades indiennes, qui là comme ailleurs, eurent à subir les maux d'un continent. On comprend mieux, à la lumière de ce petit livre particulièrement sombre, à quel point l'histoire pèse sur ce pays - Evo Morales en est le dernier avatar - et plus généralement sur l'Amérique latine. La voie du progrès sera malaisée à trouver...
Un ouvrage sans prétentions, mais éclairant. Une première introduction à l'Amérique du sud bien utile...Divisé en deux parties, il rappelle de manière synthétique les principales caractéristiques du pays. Je regrette juste la faiblesse de la cartographie, clairement insuffisante et l'inclusion d'un chapitre touristique en fin de volume. Une lecture valable cependant.